On assiste en direct à la suppression de décennies d'existence pour un freinage mal négocié.
Peut-être l'occasion de réfléchir sérieusement sur le sujet et d'en tirer des conséquences pour notre conduite du quotidien à moto.
Pour un mort en compétition, combien sur route ouverte ?
Répondre à cette question, c'est lever le voile sur le rapport de cause à effet qu'il existe entre ce que l'on voit faire, qui est de l'ordre de la performance de haut vol produite par des mec qui ont passé plus de temps dans leur vie sur une moto que sur leurs pieds et…
Ce que l'on va s'imaginer pouvoir réaliser avec notre matériel et nos moyens sur nos routes.
La réponse, on l'a dans les journaux chaque fin de week-end ; force est de constater que la mort de Luis Salom, aussi terrible qu'elle soit, n'est que l'arbre qui cache la forêt de la contribution de la route à la mortalité motarde.
Je voudrai développer, au risque de ne pas me faire que des copains, 3 aspects qui lient pourtant ce que l'on voit sur la piste et sur la route :
Fantasme de projection
On est tous épaté par ce qu'arrivent à faire les pilotes pros sur leur moto.
On se retrouve sur la route avec une moto de la même marque, de même que ses pneus, son casque, sa combine.
Vous voyez où je veux en venir…
Tout est fait, parce que cela fait vendre, pour pousser l'utilisateur lambda à se sentir en situation de faire pareil que ceux qui, le plus souvent n'ont fait que ça de toute leur vie et le font sur un lieu dédié à cela et sur des machines dont celle qui sont sur la route sont de mauvaises copies à pas trop cher.
L'idée marketing est de nous valoriser et de stimuler notre imagination.
Il faut vendre, alors, il y a un peu de 46 ou de 99 en nous.
Fantasme de capacité
Il découle de ce qui précède.
De là à s'imaginer des capacités de pilote que nous ne sommes pas et d'imaginer que toute chute se terminera comme sur circuit, c'est à dire au pire avec une broche dans le bras ou la jambe et la vie qui continue et qui fait de nous un vrai motard à cicatrices.
C'est en effet ce qui se passe sur circuit le plus souvent et l'on voit des pilotes se prendre des gamelles hallucinantes et courir dans la seconde qui suit pour relever la moto et repartir au combat.
Oui mais lui, c'est moi.
Moi aussi je suis un killer, j'ai aussi des protège genoux que je me suis appliqué à frotter en faisant dix tours de suites à vitesse croissante sur le même rond-point avec la peur au ventre mais aussi la joie de pouvoir dire aux copains : moi aussi, je frotte le genou.
Fantasme de protection
Il est lié à l'invulnérabilité du motard tel qu'il est médiatisé dans les organes de presse moto.
Faut dire qu'il y a beaucoup à vendre et cher pour ce que c'est.
En effet, difficile de trouver un secteur où quelques petits bouts de mousse extrudée ou polymère se vendent avec autant de marge bénéficiaire.
Vous connaissez mon point de vue sur le sujet.
Mais pourquoi un tel ostracisme à mon égard quand je souligne la faible efficacité des protections ?
Une des réponse est celle-ci : Ça marche ; il n'y a qu'à voir toutes les gamelles sans conséquences que se prennent les pilotes sur circuit.
Alors, je vous recommande de regarder image par image la chute fatale qui sert de point de départ à cette réflexion :
50 grammes de trop sur le levier de frein peut-être sur une imperfection de la piste, une perte de l'avant, moto qui se couche, pilote qui la rejoint contre la protection de bord de piste, avec une énergie suffisante pour que le corps percute et souleve la moto et re relève presque debout.
Oui mais non, ce n'est pas de la volonté de celui qui est en train de mourir mais, tel un pantin, son corps sans volonté ne fait que ce que l'énergie cinétique lui commande.
Rien ne peut plus le sauver, que ce soit les trucs gonflables du bord de piste, sa combine air-bag ou son casque, pas plus que les toubibs ou l’hélico.
Alors oui, ça a tapé fort parce qu'il avait encore de la vitesse à l'impact.
C'est vrai… mais plus ou moins que celle de nos virages habituels avec les poteaux de glissières qui attendent à deux mètres de nous

Le but de ce questionnement n'est pas de vous faire enlever votre casque et vos protections diverses en vous disant que cela ne sert à rien.
Ce que je voudrai faire sentir, c'est que ces moyens de protections ont des limites que l'on atteint très vite de par les lois physiques mises en œuvre et la faible résistance du corps humain.
Il faut en être conscient si on ne veut pas se laisser abuser par ce fantasme de protection.
Fantasme, fantasme, fantasme, trois fois fantasme.
Je devrai être content, kawasutra que je suis, c'est mon fond de commerce.
Le fantasme, c'est du plaisir avant l'heure et c'est la vie au fond.
C'est vrai, c'est la vie et c'est d'ailleurs ce qui fait que nous sommes souvent peu logique avec nous même ; il y a de la schizophrénie dans la vie de tout à chacun.
Le remède au fantasmes : le monde réel mais faut reconnaître que c'est chiant.
D'autant plus que c'est ce levier qui est utilisé pour nous vendre plein de trucs et limiter grandement nos libertés.
Oui, mais voilà, les motards froids, que ce soit sur piste ou sur la route, ça me fait chier.

Ça m'énerve pour les vies perdues, ça gâche l'image d'un formidable outil, que ce soit pour se déplacer, se faire plaisir, se connaître sois-même ainsi que rencontrer les autres.
Alors, au-delà de toute polémique sur le thème de la sécurité, si ce post peut faire réfléchir chacun sur la valeur de sa propre vie, sur les moyens que chacun possède pour la préserver et qui sont avant tout, non pas fonction de ce que l'on a acheté mais de ce que l'on fait sur sa moto, je pense qu'il peut être utile.
Je crois sincèrement qu'il existe en moto un espace que chacun définira en fonction de lui-même et qui assure une sécurité suffisante et un plaisir de conduite réel.
À mon avis, cet espace ne procède pas plus du code de la route que des prestations des pilotes de circuit.
Car, d'un coté, rouler selon les préconisations sécurité routière, il faut commencer par là mais cela n'apprend pas grand chose.
De plus, la peur comme outil de sécurité peut être mauvaise conseillère.
Elle est mauvaise pour notre conduite, la crispation au guidon n'ayant jamais fait de bonne trajectoires et serrer les fesses ne nous a jamais empêché de nous retrouver dans la merde au-delà d'un court instant.
Elle nous fait croire que nous n'avons pas les moyens d'assurer nous-même notre propre sécurité et nous donne envie de la déléguer sur des produits de sécurité passive qui, pour utiles qu'ils soient, ne remplacent en aucune façon notre faculté personnelle à circuler en sécurité.
Alors, quelque soit notre niveau de pratique, continuons à faire des kms avec pour objectif, non pas 46 ou 99 mais de faire en sorte que personne n'ait besoin de faire le 112.
C'est possible, la pratique de la moto n'est pas dangereuse en tant que telle et on peut décider que l'on va arriver à bon port quand on démarre sa moto, en mettant de coté, et les fantasmes, et la peur qui paralyse.
C'est de notre responsabilité et en notre pouvoir si on décide qu'il en sera ainsi et que l'on fait ce qu'il faut pour.
Bonne route à tous, vite ou lentement, mais en sachant ce que vous faites et en vous souvenant qu'on ne vit qu'une fois.
Profitez bien des grands prix moto, régalez vous de ce spectacle qui, le plus souvent, fait battre le cœur au lieu de l'arrêter.
Mais, une fois le casque sur la tête, ne la perdez pas

