Tu pars au taff sans rien demander à personne et tu te retrouves à te demander si tu vas pouvoir continuer à user deux godasses à la fois.

Il n'y a pas grand chose à dire pour atténuer ce qui t'arrive; tu es seul et même la personne la plus proche de toi a du mal à réaliser ton trip du moment.
Ta douleur est à toi, ton angoisse t'appartient, tout comme ta colère ou ton espoir.
Tu ne peux en partager qu'un échantillon et c'est tant mieux pour tes proches, finalement.
On suit l'évolution de ta situation; on a peur pour toi mais ta couleuvre, c'est toi qui te la manges…
Tu ne sortira pas intact de cette histoire.
Physiquement, tu es dans la perspective d'y laisser quelques plumes.
Psychologiquement, ce sont des choses qui marquent.
Mais tu es aussi face à une chance et je pèse mes mots en te disant cela.
Ta chance, c'est de réaliser dans ta chair et ton esprit la fragilité autant que le caractère extrêmement précieux de la vie.
Tu as aussi l'opportunité de mesurer la qualité de tes relations car, c'est dans la difficulté que l'on reconnaît ses amis, comme dit le proverbe.
Tu es aussi, par la force des choses, en Pause par rapport à toutes les routines de ton existence, ses pressions, ses objectifs.
Tu va avoir du temps pour peser tout cela et éventuellement réévaluer la valeur que tu donnes aux choses de ta vie.
On devrait tous être très vigilant à cela mais nous sommes le plus souvent en décalage par rapport à nos vies et on réalise le plus souvent après ce qui y donne vraiment du sens.
Ton accident est donc en quelque sorte aussi une éclaircie pour ce qui est de te donner une acuité plus fine de la vie, de ta place vis à vis de tes semblables, de ta richesse personnelle autant que de ton caractère éphémère.
Comme je ne peux rien enlever du malheur qui est tien, je veux en t'écrivant cela souligner que celui-ci n'est pas stérile.
C'est une expérience que l'on ne souhaite pas; faut pas déconner non plus.
Mais puisqu'elle arrive, que ce soit sous la forme d'un deuil, d'une rupture familiale, d'une grave maladie ou d'autre galère du genre, C'est aussi une opportunité de renouveler sa façon de voir les choses, d'être soi-même plus vrai, plus authentique.
Être plutôt soi-même que ce que l'on pensait être et passer en quelque sorte d'une situation où on travaille son image, que ce soit en famille, au taff ou dans d'autres facettes de notre existence à la réalité de qui on est.
Un être unique: La copie de personne mais soi-même tout simplement.
Je dis cela en ne te connaissant pas personnellement, dans une approche humaine, universelle, vis à vis de laquelle je ne m'exclue pas.
Ce n'est pas non plus qu'il te manquait quelque chose avant ton accident.
Je fais juste le constat, pour l'avoir maintes fois observé, que le malheur dans ses formes diverses et variées a aussi un pouvoir de maturation de nous-même.
Tu te sens diminué en ce moment mais tu pourrai bien te retrouver dans quelques temps plus fort que tu ne l'as jamais été et ce, indépendamment des pertes que tu aura subi.
C'est paradoxal mais on devient souvent fort dans la faiblesse et celle-ci est souvent un préalable pour réaliser qu'on a tout pour être heureux, à l'intérieur de soi.
Le cadre de cette découverte est difficile et on en prend plein la gueule.
Mais on peut en sortir tout surpris par une paix, une sérénité et, osons le mot, un amour qu'on avait déjà en magasin.
Fallait juste un tremblement de terre pour le trouver sur ses étagères.
